L’identification des formations végétales et les vérifications de terrain ont été faites entre septembre 1979 et septembre 1982. 27 formations végétales élémentaires ont été reconnues dont 17 sont dans les plaines d’inondation et les rizières du Delta, 3 dans les plaines lacustres du nord et 7 sur les îles, berges et hautes plaines non submergées.
Méthodologie des observations de terrain et traitement de l’information La modélisation du milieu naturel s'appuie sur la carte des pâturages du Delta intérieur du Niger réalisée par l’équipe CIPEA/ODEM comme expliqué dans l’historique du projet. Elle couvre les plaines de la cuvette du Niger depuis Macina (sur le Niger) et Baramandougou (sur le Bani), en amont, jusqu'au lac Débo en aval, y compris une fraction du Farimaké au nord-ouest du Lac Débo, soit une superficie un peu supérieure à 22 000 km². Cette carte, ainsi que les études qui l'accompagnent, devait servir à un plan d'aménagement régional avec la création d'association d'éleveurs ou d'agro-pasteurs. Cette perspective a déterminé le niveau de précision recherché dans la définition des thèmes cartographiques, l'échelle des levés et de la restitution cartographique au 1:50 000. Il ne s'agit donc pas d'une échelle cadastrale mais d'une échelle très détaillée et suffisante (la superficie des plus petites unités cartographiées étant d'environ 1 ha) pour une modélisation de l'écosystème régional, étape indispensable dans le processus conduisant à une meilleure compréhension des enjeux spatiaux pour l'usage et l'appropriation des ressources dans le Delta. LES RELEVÉS DE TERRAIN Pour plus de détails, le lecteur se reportera aux travaux de Hiernaux et al. (cités en bibliographie) et aux données à télécharger. Nous ne donnerons ici que le minimum d'indications permettant de comprendre la méthode mise en œuvre : l'inventaire des ressources fourragères du Delta est établi sur une base phyto-écologique. Les caractéristiques purement fourragères de productivité des parcours, composition bromatologique, sensibilité à la pâture….etc, sont rapportées à une vingtaine de types de parcours définis par une étude phyto-écologique préalable. Les types de parcours sont définis à la fois par les caractéristiques de leur végétation : composition floristique et structure biomorphologique, et par celles du milieu auquel ils sont liés : position topographique et géomorphologique, sol, régime d'inondation, mode d'exploitation pastorale… L'inventaire et l'analyse phyto-écologique ont été menés sur 169 sites de 100 chacun, 127 consacrés aux parcours des plaines submersibles, 8 aux casiers rizicoles de l'Office du Niger et 34 autres aux replats et reliefs non submersibles du Delta. La pratique du relevé méthodique et simultané des caractères de la végétation et du milieu s'inspire très largement de la méthode mise au point par les chercheurs du CNRS – CEPE Louis Emberger – (M. Godron et al., 1968, Ph. Daget et al., 1970). Outre les mesures de masse végétale qui accompagnent chaque relevé phyto-écologique, douze sites ont été consacrés aux mesures de production (un enclos grillagé de 1 000 à 1 500 est installé au cœur de chacun des sites choisis). Mesures et traitements ont lieu dans les enclos, donc sur des pâturages soustraits à la pâture. Les principales mesures effectuées dans les enclos sont les suivantes: évolution saisonnière et interannuelle de la masse et de la production végétale en situation de mise en défens. mesure de l'effet d'une fauche et d'un incendie, pratiquée plus ou moins précocement, sur la repousse de l'herbe. effet de plusieurs rythmes de fauches répétées (après fauche ou incendie initial), sur la production des repousses en saison sèche. essais de fenaison, d’époque de coupe, et mode de conservation. En outre, dans trois des 12 sites précédents, un parcours balisé de plusieurs hectares est associé à l'enclos. Un suivi de la fréquentation du bétail permet d’estimer la charge animale saisonnière. La masse de l’herbe est suivie dans le parcours mais aussi à l’intérieur de cages mobiles déplacées chaque 15 jours afin de mesurer la repousse de l’herbe sous pâture. LE TRAITEMENT DE L ' INFORMATION Comme pour la technique des relevés, l'analyse des données utilise la procédure de calculs préconisée par les chercheurs du Centre d' É tudes Phytosociologiques et É cologiques Louis Emberger (CNRS Montpellier) les calculs ont été réalisés. Deux démarches sont associées : l'une plus analytique avec l'établissement des profils écologiques des espèces pour les principales variables écologiques, l'autre plus synthétique pour les analyses factorielles des correspondances qui sont effectuées sur les matrices "espèces-relevés" et surtout "espèces –états de variables" . Pour chaque formation végétale, la flore, l’écologie et la production végétale et fourragère annuelle et saisonnière sont caractérisées sur la base d’informations recueillies systématiquement sur 169 sites (393 taxons et 119 variables écologiques). L’analyse statistique de ces données a permis d’établir les profils floristiques et écologiques de chaque type de végétation. Il s’agit de profils dits ‘indicés’, dans lesquels l’indication portée pour chaque classe de la variable, ou taxon considérée, est un seuil de probabilité de présence ou d’absence (de la formation végétale dans la situation correspondant à la classe de la variable, ou de l’espèce dans la formation végétale). La méthode dite "des profils écologiques indicés" est décrite dans un article fondateur cosigné par B. Gauthier, M. Godron, P. Hiernaux et J. Lepart, « Un type complémentaire de profil écologique : le profil écologique ‘indicé’ » , Journal canadien de botanique, 1977, Vol. 55, pp. 2859-2865. Il s’agit "d’analyser une collection de relevés phyto-écologiques prenant en compte la présence d’espèces végétales et d’un certain nombre de variables caractérisant le milieu". Concrètement, un test permet de calculer la sensibilité de l’espèce végétale, ou de la formation végétale considérée, à l’état de la variable. Cinq cas de dépendance sont relevés et codés dans la base de données.
* MB La mosaïque des berges n'est pas, à proprement parler, une association végétale, mais une mosaïque complexe, "raccourci" de différentes formations inondées (VB, B, O, VOR, VSP, VH, AG, ZB). Elle se situe en bordure du lit mineur, sur les faisceaux de levées et chenaux alluviaux qui occupent le lit majeur du Niger, du Bani et de leurs principaux défluents. Ses principales caractéristiques font l'objet d'une fiche spécifique, mais ne sont donc pas déterminées par calcul comme les autres mosaïques. LA PHOTO-INTERPR É TATION ET LA CARTOGRAPHIE La cartographie a été réalisée à partir d'une photo-interprétation de la couverture 75 MAL 32/500 clichés 23x23 cm panchromatique et IRC - infrarouge couleur - au 1:50 000 complétée localement par les couvertures 74 MAL 20/500 pour le sud-ouest et 70/71 AO 891/500 pour la rive est. Au cours des prospections initiales, la correspondance entre la nature de la formation végétale et celle du milieu topo-géomorphologique était établie au cas par cas, avec leurs aspects sur les photos aériennes. Mark Haywood a ensuite procédé à la photo-interprétation sous stéréoscope à très fort grossissement, délimitant les formations végétales reconnues. Le report des limites est fait à main levée sur un fond topographique issu des cartes de l'Institut Géographique National (I.G.N.) et de l'Organisation Internationale contre le Criquet Migrateur Africain (O.I.C.M.A.), agrandi par la méthode des grilles kilométriques. Les vérifications de terrain ont été effectuées par Pierre Hiernaux, Lassine Diarra et Mark Haywood. Sur ses cartes des pâturages, Mark Haywood ne reporte que les formations végétales, ne tenant pas compte des surfaces cultivées dont l’emplacement et l’étendue varient d’une année sur l’autre. Les surfaces cultivées seront cartographiées dans un autre travail et publiées à part. En effet, sur les photos aériennes, en infrarouge notamment, on peut "lire" les formations végétales sous le parcellaire de culture qui, rappelons-le, même en riziculture, est un système de culture temporaire avec jachère. Cette particularité nous sera très précieuse pour déterminer quelles formations végétales ont été défrichées à diverses époques. Cependant, une telle lecture est impossible dans les casiers rizicoles aménagés toute trace de la formation végétale antérieure a disparu. C'est le cas des casiers de l'Office du Niger qui sont codés R, à l'instar d'une formation végétale. BP, B et VB constituent les bourgoutières et vétivéraies très profondes, PAK correspond à une vétivéraie très profonde à Acacia Kirkii et PAM à des chenaux et plaines basses à Mitragina inermis . OP, O représentent les orizaies, VOR et EOR, les vétivéraies et éragrostaies profondes, VSP et ESP, les vétivéraies et éragrostaies moyennes, VH et AC les vétivéraies et éragrostaies en position haute, P et ZB les panicaies et la zone de battement des crues maximales. AG est une savane à Andropogon gayanus faiblement inondée et les formations allant de TA à TT sont des formations "sèches" qui ne sont donc pas normalement touchées par l'inondation. Elles se situent sur les marges sèches et sur les " togge (sg. toggere )", nom traditionnel des buttes exondées dans le Delta. PAN, PAS, PAR représentent des formations végétales localisées sur des plaines à submersion différée l’inondation, très irrégulière, est liée au ruissellement local en saison des pluies, puis, en fin d’année, à la crue qui remonte de l’aval dans les chenaux de la zone lacustre. On les trouve principalement dans le Farimaké. Une zone élémentaire cartographiée représente donc une des 27 associations végétales élémentaires (28 avec la mosaïque MB) indiquées sur la carte par son sigle ou, plus souvent, une mosaïque représentant un gradient le long d'une pente ou de petites ondulations de terrain qui se traduisent par des variations faibles, mais significatives, des conditions d'inondation sur une surface réduite. La photo-interprétation, dans certains cas, aurait, certes, permis de séparer les associations constituantes des mosaïques, mais la petite taille des unités aurait rendu la carte très difficilement lisible. Dans le reste du texte, l'expression "formation végétale" est le terme générique. L'expression "association végétale" désigne les formations de base identifiées par Pierre Hiernaux. Elles sont toujours identifiées par un sigle composé de une à trois lettres, comme le montre le tableau précédent. Nous désignerons par l'expression "mosaïque végétale" les formations végétales composites. Elles sont toujours identifiées par un sigle lui-même composite dont les deux éléments constitutifs sont séparés par un slash. Ainsi O/VOR est une mosaïque dont les éléments constitutifs sont les formations végétales O et VOR. Les modalités de calculs de ces mosaïques seront exposées dans la partie consacrée aux bases de données sur la végétation. Enfin, l'information, pour chaque association végétale, est regroupée en trois sections : floristique, écologique et production. Ces trois sections ont été conservées dans l'architecture des bases de données et correspondent à des tables.
Tableau n° 2 : Les associations végétales du Delta Intérieur
Tableau n° 1 : Codes représentant l’intensité des liaisons espèces/profil floristique ou profil/état de la variable
Code   Signification statistique   +++   L’  espèce est significativement sensible à l’état de la variable au seuil de 1 ‰   ++   L’  espèce est  significativement sensible à l’  état de la variable au seuil de 1 % mais pas de 1 ‰   +   L’  espèce est significativement sensible à l’  état de la variable au seuil de 5 % mais pas de 1 %      L’  espèce n’  est pas significativement sensible à l’  état de la variable a u seuil de 5 %   0   Echantillon trop faible pour conclure ou absence de données
S igles   Dénomination de l'association végétale   AC     Eragrostaie haute à  Eragrostis barteri   et  Andropogon canaliculatus   AG     Savane à  Andropogon gayanus   des replats sablonneux   B     Bourgoutière à  Echinochloa stagnina   BP     Bourgoutière basse à  Vossia cuspidata     EOR     Eragrostaie basse à  Eragrostis barteri   et  Oryza longistaminata   ESP     Eragrostaie à  Eragrostis barteri   et  Setaria anceps   MB *     Mosaïque des berges   O     Orizaie haute à  Oryza longistaminata  et  Setaria anceps   OP     Orizaie basse à  Oryza   longistaminata   et  Eleocharis dulcis   P     Panicaie à  Panicum anabaptistum   PAK     Plaine à  Acacia kirkii   PAM     Plaine basse et chenal à  Mytragyna inernis   PAN     Acacière des basses plaines à  Acacia nilotica   PAR     Plaine à  Acacia raddiana   et  Calotropis   -   lande à  Indigofera   des lacs sahéliens   PAS     Acacière des hautes plaines à  Acacia seyal   R     Rizière des casiers de l'Office du Niger et des Opérations riz   TA     Savane arbustive des " tog ge "** à     Andropogon gayanus      et     Piliostigma reticulatum   TB     Palmeraie à  Borassus aethiopum   TC     Végétation anthropique des " tog ge " à  Celtis integrifolia   et  Borassus aethiopum   TD     Fourré arbustif des "  tog ge   " à  Diospyros mespiliformis   THY     Palmeraie à  Hyphaene thebaica   TS     Savane arbustive des "  tog ge " à  Acacia   sieberiana   et  Acacia seyal   TT     Savane arborée des "  tog ge   " à  Terminalia macroptera   VB     Vétiveraie très basse   VH     Vétiveraie haute   VOR     Vétiveraie basse   VSP     Vétiveraie moyenne, savane à  Hyparrhenia ruffa   ZB     Zone de battement des crues maximales
** On appelle Togge (singulier Toggere) en langue Peule (fulfulde) les buttes normalement exondées dans le Delta et ses bordures.