La relation Crue-Formations végétales
Les
formations
végétales
entretiennent
une
relation
privilégiée
avec
les
hauteurs
d’eau.
Comme
le
montre
Pierre
Hiernaux,
en
conclusion
des
analyses
statistiques
établissant
les
profils
floristiques
des
associations
végétales
et
celles
établissant
les
relations
entre
facteurs
écologiques
et
profils
floristiques,
le
facteur
dominant
se
révèle
être
l'inondation
à
travers
les
valeurs
de
ses
principaux
paramètres
(Hiernaux
et al
. 1980).
Ce
rôle
privilégié
de
l'inondation
est
confirmé
par
le
schéma
d'ensemble
des
relations
écologiques
auquel
aboutit
une
analyse
factorielle
de
la
matrice
des
états
de
variables
et
de
présence-absence
des
espèces
de
la
flore.
En
effet,
que
l'analyse
ait
porté
sur
l'ensemble
des
169
relevés
ou
sur
une
sélection
des
127
relevés
effectués
dans
les
plaines
inondées
proprement
dites,
la
structure
des
"nuages
matriciels"
est
caractérisée
par
la
forte
hiérarchie
des
premiers
axes,
poutres
maîtresses
de
l'architecture
des
nuages
matriciels
qui
constituent
une
représentation
synthétique
des
interrelations
(sur
la
base
de
la
présence
–
absence)
entre
taxons
et
états
de
la
variable.
(P.
Hiernaux,
La
carte
des
ressources
fourragères
des
parcours
du
Delta
intérieur
du
Niger
–
Notice,
Bamako
:
CIPEA-ODEM , 1980, p.23)
Le
tableau
suivant
montre,
outre
la
participation
(en
%)
des
cinq
premiers
axes
à
l'inertie
du
nuage,
la
contribution
de
chacune
des
variables à cette participation, axe par axe, et globalement pour les cinq axes.
Dans
l'analyse
des
169
relevés,
les
deux
premiers
axes
sont
très
liés
aux
conditions
de
l'inondation
qui
totalisent
71,6
%
et
73,08
%
de
l'inertie
expliquée
par
les
deux
premiers
axes.
Cependant
une
observation
plus
fine
montre
que
sur
le
premier
axe,
46,31
%
de
l'inertie
est
expliquée
par
la
situation
d'inondation
nulle.
En
d'autres
termes,
le
premier
axe
oppose
les
sites
non
inondables
du
Delta
à
l'ensemble
des
plaines
d'inondation,
le
second
axe
distribue
ces
dernières
sur
un
gradient
de
hauteur,
régularité
et durée de la submersion.
L'un
des
facteurs
principaux
de
la
relation
crue
–
formations
végétales
est
la
hauteur
de
submersion
qui
permet
de
classer
les
différentes
associations
végétales
en
niveaux,
chaque
niveau
représentant
la
hauteur
de
la
submersion
la
plus
fréquemment
atteinte
par rapport à la formation végétale.
Tableau n° 2 : Les formations végétales en fonction des niveaux ou hauteurs de submersion
BP
et
PAK,
sont
les
deux
formations
végétales
supportant
–
ou
demandant
–
les
submersions
les
plus
fortes.
La
première
est
une
bourgoutière
basse
à
Vossia
cuspidata
,
la
seconde
correspond
à
une
vétivéraie
très
profonde
à
Acacia
kirkii
.
B
–
une
bourgoutière
à
Echinochloa
stagnina
,
VB
une
vétivéraie
très
basse,
OP,
l'orizaie
profonde
et
PAM
une
formation
à
Mitragina
inernis
occupent
le
niveau
6.
Le
niveau
5
est
occupé
par
une
éragrostaie
–
EOR
–
,
une
orizaie
–
O
–
et
une
vétivéraie
–VOR
–,ainsi
que
par
les
casiers
rizicoles
de
l'Office
du
Niger
en
aval
de
Ké
Macina.
VSP
et
ESP,
les
vétivéraies
et
éragrostaies
moyennes
ainsi
que
AC,
une
éragrostaie
à
Andropogon,
occupent
le
niveau
4.
Le
niveau
3
qui
correspond
à
une
submersion
comprise
entre
10
cm
et
30
cm
est
occupé
par
une
panicaie
–
P
–
et
une
vétivéraie
haute
VH.
Enfin
le
dernier
niveau
de
submersion
compris
entre
0
et
10
cm
est
occupé
par
AG,
une
savane
à
Andropogon
gayanus
et
une
formation
complexe
baptisée
ZB
pour
zone
de
battement
des
crues
maximales.
Les
formations
allant
de
TA
à
TT
se
situent
toutes
sur
les
"
togge
",
nom
traditionnel
des
buttes
exondées
dans
le
Delta
et
sur
les
bordures
sèches.
PAN,
PAS,
PAR
représentent
des
formations
végétales
localisées
sur
des
plaines
à
submersion
différée
où
l’inondation
est
très
irrégulière.
La
caractéristique
la
plus
remarquable
de
ces
acacières
est
l'allure
bimodale
de
l'inondation,
dont
le
premier
mode
est
lié
au
ruissellement
des
pluies
de
juillet-août
et
le
second
à
l'arrivée
tardive
de
la
crue
en
octobre
ou
novembre.
Enfin,
MB,
la
mosaïque
des
berges,
n'est
pas
représentée
dans
le
tableau.
Elle
forme
une
alternance
de
chenaux
et
de
bourrelets
de
rive
ou
de
levées,
bien
représentés
dans
le
lit
majeur
du
Niger,
du
Bani
ou
des
grands
défluents.
Elle
représente
toujours
un
fort
gradient
de
submersion
allant
du niveau 6 au niveau 2.
La définition d’une crue de référence
Pierre
Hiernaux
rapporte
les
différents
états
des
variables
décrivant
les
conditions
de
l'inondation
(hauteur,
régularité,
durée,
vitesse
et
dates
de
montée
et
de
baisse
des
eaux…)
aux
données
hydrographiques
disponibles
en
1980
dans
le
Delta.
Il
ne
s'agit
pas
de
déterminer
les
régimes
de
chaque
plaine
ou
de
chaque
cuvette
prise
isolément
mais
de
définir
une
série
de
paramètres
les
plus
fréquemment
atteints
qui
permettent
d'établir
une
relation
entre
les
formations
végétales
et
le
déroulement
d'une
crue
que
l'on
peut,
par
analogie
à
la
relation
existant
entre
un
climat
et
des
formation
végétales,
qualifier
de
"crue
de
référence".
Pierre
Hiernaux
a
calculé
les
profondeurs
de
submersion
normalement
attachées
aux
formations
inondées.
Ces
profondeurs
de
submersion
sont
établies
à
partir
d'une
cote
0
cm
qui
correspond
à
la
cote
limnimétrique
la
plus
régulièrement
atteinte.
La
comparaison
des
séries
amène
à
considérer
que
la
valeur
la
plus
fréquemment
atteinte,
celle
que
l'on
peut
considérer
comme
la
valeur
de
référence,
correspond
au
maximum
moyen
des
crues
moins
l'écart
type
calculé
sur
les
30
années
précédant
l
'
étude.
P.A.
Gosseye
(dans
S.
Cissé
et
P.
A.
Gosseye,
Compétition
pour
des
ressources
limitées
:
le
cas
de
la
cinquième
région
du
Mali.
Rapport
1
:
Ressources
naturelles
et
population
.
CABO,
Wageningen,
Pays
Bas
–
ESPR,
Mopti,
Mali.
1990,
106
p
+
annexes)
discute
longuement
(pp.48
et
49)
cette
notion
de
crue
de
référence.
Il
admet,
en
accord
avec
Pierre
Hiernaux
et
avec
nos
propres
travaux
antérieurs
(J.
Marie,
Recherche
d'une
solution
aux
problèmes
de
l'élevage
dans
le
Delta
intérieur
du
Niger
au
Mali,
vol.5,
rapport
de
synthèse,
Addis
Abeba,
CIPEA
/ODEM,
1983,
151p.)
que
pour
la
station
de
référence
de
Mopti,
la
série
de
crues
que
l'on
peut
qualifier
de
normale
et
de
régulière
correspond
aux
années
1944-1968,
et
que
le
maximum
décadaire
moyen
pour
cette
période
(686
cm)
moins
l'écart
type
(26
cm)
est
la
valeur
la
plus
fréquemment
atteinte.
Cette
valeur
correspond
donc
à
la
cote
660
cm
à
l'échelle
de
Mopti
(atteinte
dans
84
%
des
cas)
et
établit, pour la station de Mopti, une relation avec la cote 0 cm des hauteurs de submersion.
Mes
propres
calculs
portant
sur
les
valeurs
journalières
(et
non
plus
décadaires)
donnent
des
résultats
très
similaires
:
moyenne
1944-1968
:
693
cm
;
écart-type
28
cm,
soit
une
valeur
de
référence
de
665
cm
atteinte
dans
82
%
des
cas.
Nous
retiendrons
en
définitive
la
valeur
de
660
cm
pour
la
station
de
référence
de
Mopti,
valeur
que
nous
supposons
représentative
des
crues
normales
ou
régulières,
et
que
l'on
assimile
donc
au
0
de
référence
de
la
hauteur
de
submersion
des
diverses
formations
végétales
inondées,
ce
qui
correspond à l'altitude de 267,20 m.
Cette
notion
de
"crue
de
référence",
qui
suggère
une
relation
d'équilibre
entre
des
crues,
variant
d'une
année
sur
l'autre,
et
des
formations
végétales
peut
être
discutée.
Des
modifications
importantes
des
crues
devraient
se
traduire
par
des
changements
dans
les
formations
végétales.
Les
travaux
de
terrain
poursuivis
jusqu'en
1985
(avec
une
série
de
crues
très
faibles
:
551
cm
en
1982,
502
cm
en
1983,
440
cm
en
1984)
montrent
de
très
fortes
variations
de
production
fourragère,
et
des
modifications
limitées
dans
la
composition
floristique
de
certaines
formations,
mais
ne
remettent
pas
en
cause
l'étagement
des
végétations
composées
d'herbacées
pérennes et le schéma général des niveaux de submersion ainsi que leur relation avec une crue de référence.
Les
conclusions
du
retour
sur
le
terrain
de
Pierre
Hiernaux
et
Matthew
Turner
en
2014
conduisant
à
de
nouveaux
relevés
de
végétation confirment cette très grande stabilité d'ensemble de la distribution des formations végétales.
(voir page 15).
Tableau n° 3 : Relations entre formations végétales, hauteurs de submersion et cotes à l’échelle de Mopti